Hommage à Pascal Junghans pour son amour de l’éducation
Classement : recyclage
Le blog de Jacques Goliot : un blog sur toutes sortes
de sujets…
Il y a plusieurs années que je m’intéresse au discours médiatique
sur l’éducation. A l’époque, j’avais trouvé dans un rayon de bibliothèque un
livre de Pascal Junghans, « La
Fracture scolaire » (Editions Syros, collection « Ecole et
société », 1997).
Dans un ensemble mal écrit, mal construit, mal pensé, on
trouve une dose d’anti-élitisme passant largement les bornes de l’habituel, assorti
de formulations absurdes dans leur excès. Le livre de Junghans est un exemple, relativement ancien, de ce qu'on peut appeler « bourdieusisme délirant », qui imprègne largement le discours médiatique actuel (en dernier lieu : une tribune de David Salegueule dans Libération du 3 mars 2014)
On trouvera un florilège junghansien en
annexe.
Ce fatras m’avait inspiré, en réaction, un sonnet :
Hommage à Pascal Junghans pour son amour de l’éducation
Apprends d'abord, Junghans, ce qu'est une litote,
Toi pour qui c'est bien peu que Descente aux enfers,
Catastrophe, Train fou, visions d'âge de fer,
D'Apocalypses relookées à Gravelotte.
Ne confonds pas fusillade et mauvaise note,
Le baccalauréat n'est pas la der des ders ;
D’abus métaphoriques ne sois pas si fier,
Ne te satisfais pas de tes formules sottes.
Ta sociologie, pavée de grands sentiments,
Conduit au cimetière des raisonnements,
Où, joyeux chantre de l’harmonie patronale,
Avec des arguments aussi tordus qu'une S,
Tu ne cherches qu'à déconsidérer le SNES
Et diaboliser l'Education nationale.
[A ma connaissance, c’est le seul poème français incluant le
sigle « SNES »]
Quelques mots sur Pascal Junghans
Je copie-colle ici le texte
trouvé sur un site :
« Pascal Junghans, 55 ans, est professeur à
l’International University of Monaco, chargé de cours à l’Université de
Technologie de Troyes et à l’Université de Poitiers. Docteur en sciences de
gestion, ses recherches portent sur l'intelligence économique, la criminalité
financière, le traitement de l'information et les médias. Il a été auparavant
directeur de programme dans une école de commerce, journaliste pendant 26 ans
(la Tribune, Capital, Libération ...) et cadre dirigeant dans un important
cabinet de courtage d'assurance. Il est l'auteur de huit livres dont le dernier
traite des services de renseignement français. »
Annexe
Quelques citations croquignolettes de l'ouvrage de Pascal Junghans, classées par thèmes
Un style immonde
Page 24 :
« …cette tendance a tendance à se poursuivre, voire à s’amplifier »
Page 30 :
« les réponses pédagogiques [à ce problème] sont infiniment
multiples. »
Page 63 :
« la démocratisation de l’école tant chantée sur toutes les estrades de France
et de Navarre n’est qu’un véritable leurre »
Page 76 :
« gangrenées par des idées subversives, voire de gauche ! »
Page 219 :
« une demi-dizaine d'années plus tard »
Page 247 :
« … développer la possibilité de pouvoir entamer des études »
Des formules choc
Page 27 : « … catastrophe »
Page 42 : «… Moloch qui broie des milliers de jeunes »
Page 84 : «… l’enseignement technique entame sa lente descente aux enfers »
Page 64 : « le niveau des enfant d’ouvriers monte mais beaucoup moins vite que celui de la moyenne des autres élèves, montre une étude – une véritable bombe –, réalisée par l’[INSERM] »
Page 81 : «… fonce à tombeau ouvert vers le précipice » (quoi ? Allez-y voir !)
Page 107 : «… le ministre Chevènement, véritable Gribouille, lance l’école, tel un train fou, sur des rails débouchant sur un précipice »
Une métaphore chiadée
Page 83 : « Les « nouveaux collégiens » arrivent dans le secondaire comme les poilus de 1917 sortaient des tranchées : en se disant que sinon ils seraient fusillés par les leurs, tout en étant persuadés que beaucoup d’entre eux resteraient au tapis.
Ceux des « nouveaux collégiens » qui survivent au massacre sont récompensés de […] leur énergie en monnaie de singe. »
« Monnaie de singe » : pas mal vu, non ?
Des prétentions à la littérature
Page 131 : « Lorsque
Claude Gros – un homme au mince collier de barbe sans lequel un fonctionnaire
de l’Education nationale ne serait pas tout à fait complet – arrive comme
proviseur, il y a quatre ans, il découvre un établissement qui dérive comme un
bateau ivre. »
Page 171 : « Chaque année c’est le même pensum : de vieux directeurs
d’administration centrale quittent la Rue de Grenelle et, dans de poussifs
véhicules, se dirigent vers le ministère des Finances comme en d’autres temps
on allait à Canossa. Dans l’immense immeuble du plus pur style stalinien,
construit par l’architecte Chemetov, un jeune chef de bureau soupire. Ce jour,
il reçoit le vrai, le seul ministère dépensier, celui de l’Education nationale,
de loin le premier budget de la nation. [Suivent des chiffres - évidemment catastrophiques - sur le budget de
l’EN]… Le jeune chef de bureau piaffe d’impatience à l’idée de tailler à pleine
calculette dans la grosse chair molle de ces masses financières qu’il soupçonne
d’être largement improductives. »
Des remarques pertinentes sur François Bayrou et Jean-Pierre Chevènement
Page 54 : « cet
agrégé de Lettres, père d'une polytechnicienne. » (cela doit être
su !)
Page 139 : « le
ministre Bayrou est doté d’une ambition féroce …. »
Page 107 : «… le ministre Chevènement, véritable Gribouille …. »
De l'amour pour les livres
Page 52 : « Quelles solutions préconise alors Bentolila pour réduire
l’illettrisme ? D’abord, évidemment, mettre en garde contre la télévision,
diatribe convenue, car « la grande masse de la production télévisuelle
impose un mode de relation au sens qui est en contradiction formelle avec celui
qu’implique la lecture » [citation de Bentolila, 1996, page non
indiquée]. Il faudrait donc interdire la
télévision aux enfants. En voilà une suggestion parfaitement
opératoire ! »
« Mettre en garde » ou
« interdire » ?
Page 67 : « …les
livres qui encombrent les bibliothèques parentales »
Un peu de prof-bashing
Page 130 : « Mais
les consommateurs d’école les plus avertis, c’est-à-dire les professeurs, ne se
contentent pas de la stratégie triviale qui consiste à choisir un lycée. Après
tout, un excellent établissement peut être encore sectorisé. Quel dommage de ne
pouvoir y accéder ! Alors choisissons le collège qui mène à ce lycée.
Mieux, attaquons-nous à l’école primaire. Et pourquoi pas à l’école
maternelle ! Environ 59,9 % des professeurs bravent les impératifs de la
carte scolaire et choisissent la maternelle où leur rejeton fera ses premières
expériences de vie collective. On choisit la meilleure maternelle qui conduit à
la meilleure primaire, puis au meilleur collège et enfin au meilleur lycée… Peu
à peu se constituent des filières d’élite. Et aussi, par voie de conséquence,
des filières poubelles. »
Il n’est pas à la portée de tout le monde de saisir
le concept de « environ 59,9 % ».
Conclusion
Ben, oui, quoi, mais ya quand même du vrai, alors !
Mise à jour : 10 mars 2014
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